Peindre ou faire l’amour
Un film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu
Avec Sabine Azéma, Amira Casar, Daniel Auteuil, Sergi Lopez…
Voici un film qui a partagé les critiques du dernier Festival de Cannes, et qui partagera sans aucun doute les spectateurs.
Il raconte l’histoire d’un couple d’une cinquantaine d’années, dont la passion s’effleure avec le temps. Afin de retrouver une sérénité et une passion perdue, ils achètent une maison dans la campagne du Vercors et font connaissance avec le maire du village et sa femme, plus jeunes, avec qui ils deviennent amis.
Un jour leur maison brûle et le couple recueille leurs amis. Le début d’un bouleversement dans leur vie paisible.
Les frères Larrieu nous livre ici une œuvre plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Une œuvre qui cède à la tentation, sensualité évocatrice de l’automne de la vie d’un couple, qui renaît.
Un film qui parle aussi de la solitude, de la vie sociale qui s’étiole avec l’arrêt du travail, de cette envie de nouvelles émotions, de nouvelles aventures, d’amour libre.
Dans un décor naturel réellement magnifique, personnage à part entière du film, les désirs vont s’exprimer, s’exalter.
Les quatre comédiens sont remarquables et forment un quatuor amoureux empreint d’une sensualité particulière.
Dans ce cadre idéal, cette nature protégée, isolée du reste du monde, les âmes et les cœurs s’expriment, et les frères Larrieu filment avec distance et promiscuité, sans verser dans le jugement ni le voyeurisme. A travers le regard de leurs personnages, Adam et Eva, prénoms bibliques et évocateurs, William et Madeleine, couple bourgeois en quête de renouveau amoureux, le temps s’égrène doucement. Accompagnés par la caméra, enveloppés par la musique et l’atmosphère, les corps et les cœurs s’abandonnent.
Il peut être difficile de rejoindre ces personnages dans leur errance amoureuse, tant cet univers paisible et bourgeois, pour beaucoup distant. Pourtant, il ne s’agit pas seulement de cette partie de l’histoire. Il s’agit avant tout de la redécouverte de soi, du plaisir partagé et différent, d’expérience également.
Les frères Larrieu ont écrit un scénario habile, non dénué d’humour, à consonance doucement érotique, sensuelle. La rupture avec l’incendie marque un tournant évident dans le film, avec la communion des personnages sous le même toit, celle des âmes et des corps.
La photographie est très réussie et saisit pleinement la beauté des paysages naturels du Vercors, elle accompagne idéalement les ballades des personnages dans ce cadre apaisant, revigorant, qui appelle à la renaissance et à la plénitude. Les réalisateurs n’hésitent pas à poser la caméra et saisir en plan large la grandeur des montagnes.
La musique joue un rôle important, elle est signée par Philippe Katerine (par ailleurs jouant un petit rôle sur la fin du film). Il suffit d’écouter la chanson de Brel qui baigne le film de son évocation sensuelle de l’amour :
« Ils
parlent de la mort
Comme tu parles d'un fruit
Ils regardent la mer
Comme tu regardes un puit
Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
Et s'il n'y a pas d'hiver
Cela n'est pas l'été ».
Les frères Larrieu nous proposent une ballade, une communion des sens et de la nature, l’histoire de l’abandon d’un couple à des émois d’adolescents. Une renaissance à l’heure où les cœurs et les corps sont plus souvent en berne.
Une ballade à partager…
Arnaud Meunier
28/08/2005